6. Urétéroscopie

Par le Professeur Eric Lechevallier – Hôpital de la Conception, Marseille

Depuis 1982, l’urétéroscopie est devenue un outil indispensable pour la prise en charge des calculs du haut appareil urinaire. Actuellement la miniaturisation des endoscopes a permis la conservation d’un canal opérateur efficace et d’une visibilité de bonne qualité. Par ailleurs un matériel adapté et efficace, notamment pour la lithotritie endocorporelle, a fait de l’urétéroscopie une technique de plus en plus performante.

L’urétéroscopie est indiquée pour le traitement des calculs de l’uretère.

Pour les calculs urétéraux d’une taille < 10 mm, l’indication d’urétéroscopie est l’échec d’1-2 séances de lithotritie extracorporelle (LEC), une obstruction urétérale sévère, ou l’échec d’un traitement médical conservateur après 30-40 jours.

Pour les calculs urétéraux d’une taille > 10 mm, l’urétéroscopie peut être proposée en 1ère intention, notamment pour l’uretère pelvien.

Pour les calculs de l’uretère lombaire, l’urétéroscopie est proposée après échec de la LEC.

Le nombre de calcul n’influence pas le taux de succès de l’urétéroscopie, à la différence de la LEC. Des calculs urétéraux multiples sont des indications d’urétéroscopie 1ère.

Par ailleurs dans l’indication d’une urétéroscopie la préférence du patient après information doit être prise en compte. En effet à la différence de la LEC l’urétéroscopie permet en 1 temps opératoire l’ablation du calcul.

En cas de calcul urétéral dur, comme les calculs de cystine, résistant aux ondes de choc de la LEC, l’urétéroscopie peut être proposée en 1ère intention.

Les calculs du rein peuvent être détruits efficacement par urétéroscopie souple laser.

Urétéroscopie: techniques

L’urétéroscopie standard est l’urétéroscopie rigide rétrograde. Elle peut être rendue complexe par le calcul (taille, impaction) ou nécessiter des particularités techniques (dérivation urinaire, réimplantation urétérale…).

Pour le traitement des calculs du rein, la technique d’urétéroscopie est la technique d’urétéroscopie souple avec destruction du calcul au laser Holmium.

Evaluation avant urétéroscopie:

Une évaluation radiologique de la voie excrétrice supérieure avec injection de produit de contraste pré-opératoire (UIV) est préférable avant une urétéroscopie. Elle permet de préciser l’anatomie urinaire et de définir l’obstruction et le calcul (type, localisation, impaction). Une étude urétérale par une tomodensitométrie hélicoïdale non injectée peut être suffisante.

L’urétéroscopie doit être réalisée à urine stérile (bandelette urinaire, cyto-bactériologie urinaire) et sous couvert d’une antibioprophylaxie (céphalosporine de 2ème ou 3ème génération ou quinolone, de coût supérieur).

En dehors de la grossesse et de l’infection urinaire, il existe peu de contre-indication à l’urétéroscopie.

Information

L’alternative à l’urétéroscopie doit être exposée au patient : surveillance, LEC, chirurgie.

Lors de l’information, les avantages de l’urétéroscopie sont précisés (ablation du calcul en 1 temps).

Le patient doit être prévenu du risque d’échec (5-10%) et de la possibilité d’une 2ème séance, de la mise en place d’une sonde JJ modelante, d’une LEC complémentaire d’un fragment...

La durée moyenne d’hospitalisation est de 1-2 jours.

La morbidité (10-15%) immédiate et à distance est expliquée notamment l’inconfort lié à la sonde JJ.

Le patient doit être prévenu du risque de conversion chirurgicale et son autorisation pour la réaliser doit être demandée.

L’urétéroscopie est réalisée sous assistance vidéo et les principales manœuvres sont contrôlées par de la radioscopie.

Urétéroscope :

Les urétéroscopes rigides actuels ont une taille de 2 à 3 mm. Leur extrémité est atraumatique. Image 1 Ils ont une certaine flexibilité mais limitée à quelques degrés. On peut y introduire 1 à 2 instruments de 1 mm (pinces, sondes…).

Leur stérilisation est faite par autoclavage.

Les urétéroscopes souples sont des endoscopes souples, fins (2-3 mm), à fibres ou numériques :

Installation:

Le patient est installé simplement sur le dos les jambes fléchies en protégeant ses appuis.

Anesthésie:

Il s’agit en général d’une anesthésie générale, rarement une anesthésie loco-régionale ou locale.

Une anesthésie loco-régionnale est envisageable pour les calculs proches de la vessie. 

Une antibioprophylaxie est préconisée.

Dans la période post-opératoire immédiate, une hydratation suffisante pour assurer une diurèse efficace et la prévention des douleurs (anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-cholinergiques) sont prescrits..

Technique:

Après avoir placé un guide de sécurité dans le méat et dilaté le méat urétéral, l’urétéroscope est introduit dans l’urètre puis dans la vessie puis dans l’uretère. La progression dans l’uretère est douce et progressive et réalisée sous contrôle de la vue grâce à la vidéo caméra. Elle se fait prudemment jusqu’au calcul. Des contrôles radioscopiques sont régulièrement réalisés. Une irrigation douce au sérum salé permet une bonne vision et une dilatation douce de l’uretère.

En cas de progression vers le calcul difficile, impossible ou crainte de plaie urétérale, il faut arrêter l’urétéroscopie et mettre en place sur le guide une sonde JJ. Après dilatation urétérale passive effectuée par cette sonde, l’urétéroscopie peut à nouveau être programmée 8-10 jours plus tard.

Traitement du calcul

Une fois atteint, le calcul peut être extrait en monobloc ou être fragmenté.

- Extraction monobloc

Les calculs qui peuvent être extraits en monobloc sont les calculs non impactés, les calculs non obstructifs et les calculs de moins de 6 mm. Une sonde JJ préalable facilite l’extraction de calcul en monobloc du fait de la dilatation urétérale passive.

Pour l’extraction monobloc d’un calcul urétéral il existe de nombreuses sondes dite panier. 

Le risque d’utilisation des sondes paniers est la perforation urétérale. Elles doivent être manipulées avec prudence sous contrôle de la vue et fluoroscopique. 

Une fois le calcul extrait une nouvelle urétéroscopie ou une radiographie doit vérifier l’intégrité de l’uretère.

Si le calcul est bloqué avec la sonde dans la lumière urétérale et ne peut être libéré, il faut le fragmenter sur place, dite lithotritie in situ.

- lithotritie in situ

Les calculs de plus de 8 mm, obstructifs, impactés ou bloqués dans une sonde panier nécessitent une lithotritie in situ.

Il existe 4 énergies pour la lithotritie in situ, les ondes électro-hydrauliques, les ultrasons, l’énergie balistique, et le laser. Toutes ces énergies ont la même efficacité de fragmentation des calculs urinaires (90% ).

Les ondes électro-hydrauliques ont un risque pour l’uretère d’abrasion, de brûlure, de perforation et de sténose (10%). Par ailleurs lors de la fragmentation des fragments peuvent être propulsés en dehors de l’uretère. En pratique l’utilisation de ces ondes est rare dans l’uretère.

Les ultra-sons sont des ondes au dessus du seuil d’audibilité, de fréquence supérieure à 17 kHz. Les fragments sont délités et aspirés. Cette énergie est atraumatique pour l’urothélium sauf si une pression excessive est appliquée sur le calcul. La longueur de fragmentation rend cette énergie peu pratique pour l’urétéroscopie.

L’énergie balistique est une énergie mécanique froide (air comprimé) image 11. Ces ondes propulsent le calcul qu’il est préférable de maintenir dans une sonde panier. Cette énergie crée des fragments. Il faut extraire les fragments de plus de 4 mm.

Ces ondes sont peu traumatiques pour l’uretère. Les perforations par la sonde sont rares (<3%) et sans gravité. Cette énergie permet la fragmentation des calculs durs en particulier les calculs de cystine. Il s’agit de l’énergie idéale pour la lithotritie endo-urétérale.

Actuellement la source laser la plus efficace et la plus utilisée en Urologie est le laser holmium :Yag. Cette source laser est absorbée dans l ’eau ce qui lui confère une grande précision et une faible pénétration (0,5mm). La fragmentation est indépendante du calcul. L’efficacité de fragmentation est de 90-95%. Peu de fragments sont créés ou de taille < 4 mm. Il est donc rarement nécessaire d’extraire des fragments, le calcul étant vaporisé et éliminé avec l‘irrigation sous forme de sable. Il existe un risque pour l’uretère si la sonde est au contact de la paroi urétérale lors d’un tir. Il se crée une perforation sans gravité. L’absence de fragments résiduels significatifs avec le laser évite les aller-retour pour extraire les fragments et évite dans certains cas la mise en place d’une sonde JJ.

- extraction fragments

les fragments volumineux (> 4 mm) doivent être enlever avec des sondes panier. Les fragments impactés dans la paroi urétérale doivent être extraits (pince type crocodile). En cas de lithotritie balistique le calcul doit être fragmenté en fragments les plus fins possibles qui sont laissés et s’élimine de façon spontanée.

Fin

En fin d’urétéroscopie, l’intégrité de l’uretère doit être vérifiée par la vue et radiographie, notamment en cas d’urétéroscopie longue (> 1 heure), de calcul volumineux (>2 cm) ou de fragments résiduels significatifs (>4 mm).

Il est en général prudent de laisser en place après une urétéroscopie un drainage urétéral type sonde JJ pour 8-10 jours. Un drainage urétéral est particulièrement recommandé en cas d’urétéroscopie longue/complexe, de fragments résiduels > 4 mm, d’uretère inflammatoire ou d’obstruction pré-opératoire, de calcul impacté, de calcul de l’uretère lombaire ou en cas de lésion urétérale ou de doute.

Dans certains la sonde JJ peut être remplacée par une sonde urétérale pendant 24-48 heures (extraction d’un calcul en monobloc, uretère inflammatoire ou fragments résiduels fins).

Urétéroscopie: complications per-opératoires

Le taux global de complications significatives aigues est de 4%.

Ce taux est de 11% pour l’uretère proximal et 9% pour l’uretère distal

Les facteurs de risque sont les manœuvres forcées, une localisation dans l’uretère lombaire, un calcul impacté depuis plus de 2 mois.

Le risque de perforation est de1-10%. En fin d’urétéroscopie une lésion urétérale doit être identifiée par un examen à la vue de l’uretère et une radiographie, notamment dans les urétéroscopies difficiles ou en cas d’ utilisation des ondes électro-hydrauliques où le risque est de près de 20%. Une perforation fine autorise la poursuite de l’urétéroscopie sous couvert d’une sonde JJ post-opératoire. Une perforation importante impose l’arrêt de l’intervention, la mise en place d’une sonde JJ pour au moins 15 jours et sonde vésicale pour 48 heures. Une 2ème urétéroscopie est ensuite possible.

Une extravasation sans perforation visible nécessite une sonde JJ pendant 8-10 j.

La propulsion extra-urértérale du calcul ou d’un fragment est une forme de “ guérison ”.

Le risque de saignement per-opératoire est faible, < 1%. Il s’observe en cas d’uretère inflammatoire, d’utilisation des ondes électro-hydrauliques ou de plaie des vaisseaux. Le risque transfusionnel est exceptionnel.

Le risque de lésion urétérale grave est de 0,2%. Les 2 zones fragiles sont la jonction pyélo-urétérale et la jonction urétéro-vésicale.

En cas de lésion urétérale grave, une conversion chirurgicale immédiate est indiquée

Urétéroscopie: complications peri-opératoires

Après urétéroscopie le taux de douleurs lombaires est de 5-15%. Une radiographie doit contrôler la bonne position de la sonde urétérale. Des anti-inflammatoires peuvent être administrés.

Le risque d’infection fébrile est de 2-18%.

Urétéroscopie: complications à distance

Le risque de sténose est de 2-3%.28-32)

Le risque de sténose est de 2% pour l’uretère proximal, et 1% pour l’uretère distal.

Les facteurs de risque de sténose sont la taille de l’urétéroscope, l’impaction du calcul, la durée d’urétéroscopie, une lithotritie forcée, un calcul de l’uretère proximal et une perforation.

Ce risque de sténose justifie la réalisation d’une UIV ou d’une échographie à 3 mois surtout s’il existe un facteur de risque de complication (calcul impacté, urérétoscopie longue, perforration…).

Urétéroscopie pour calcul : résultats

Le taux global de patients sans fragment (SF) après urétéroscopie est de 80-90%.

Le délai moyen pour obtenir un état SF est de 2 jours pour l’urétéroscopie et de 40j pour la LEC.

Pour l’uretère lombaire, le taux de SF global est de près de 70%.

Dans cette localisation le taux de SF pour les calculs < 1 cm est de 60% et de 40% pour les calculs de plus de 1 cm.

Pour l’uretère pelvien, le taux de SF global est de 90%.

Dans cette localisation le taux de SF pour les calculs < 1 cm est de 90% et de 70% pour les calculs de plus de 1 cm.

Pour l’urétéroscopie, le nombre de calculs n’influence pas le taux de succès. Le taux de SF pour un calcul unique est de 90% après urétéroscopie (75% pour la LEC) et 90% en cas de calcul multiple (50% pour la LEC).

Le taux de SF après urétéroscopie souple laser pour calcul du rein est de 60-100% en fonction de la taille, de la localisation et du nombre de calculs.